Veterinary Medicine and Global Bioethics / Médecine vétérinaire et bioethique globale
Lessons from Potter and Leopold / Les leçons de Potter et Leopold
La version française de ce texte figure ci-dessous
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Veterinary medicine is a practice that raises a multitude of ethical challenges for veterinary professionals, but also for their clients and society more broadly. The multidimensional nature of these challenges – which are micro, meso and macro in scale – mean that a focus on professional ethics (e.g., Code of Ethics) will be insufficient. Veterinary medicine needs, instead, a global bioethics.
More than a profession dedicated to the care of animals, veterinary medicine works to improve health and maintain a healthy relationship between humans and animals – the patient-client-doctor triangle. But this tripartition necessarily complicates veterinary decision-making. The veterinarian has a duty to the animal and to treat its illness, but also has a duty to the human owner of the animal, who usually arrives in the practice in distress at the suffering of their companion (pet) or the losses in herd (livestock). And this distress is often accentuated by the inevitable financial stresses that arise with the provision of private medicine.
Furthermore, the veterinarian has duties to society and – all too often forgotten – to themself and to their team. These different duties sometimes converge, but often conflict and require long reflections leading to delicate or even untenable decisions. So, while the practice is accompanied by evident physical risks (biting, kicking, etc.), veterinarians also experience psychological (moral) distress – notably from repeated euthanasia due to economic constraints – that can lead to depression, PTSD, and burnout.
In addition to these challenges, the veterinarian is often called upon to take political and ethical positions on animal rights and values (e.g., the debate on dangerous dogs), and these may be in conflict with other members of the profession (e.g., between pet and livestock practice), with food or pharmaceutical suppliers, or with food-animal producers. As such, veterinary medicine is more than just the clinical care of animals; it is a driving force in public health, agriculture and wildlife conservation.
In the face of this evident complexity, we suggest that an equally complex and nuanced ethics is necessary for veterinary medicine. And a promising approach is the Global Bioethics proposed by Van Rensselaer Potter (1911-2001). A biochemist specialising in oncology, Potter was interested in the close interrelationship between physiology, pharmacology and ecology. After proposing the term “bioethics” in the North American literature in 1971, Potter built on this medical-ecological perspective to open up the relationship between science, ethics and politics. To do so, he revisited the work of Aldo Leopold (1887-1948), the forefather of contemporary environmental ethics who radically transformed the field of ecology, environmental studies and forestry practice.
Unlike the dominant human-focused biomedical ethics, Potter’s Leopoldian-inspired global bioethics operates at the intersection of the human, animal and environmental dimensions. Interestingly, Potter had proposed in the 1960s a kind of “One Health” ethic well before this approach became popular in veterinary medicine (1980-1990), or was more recently operationalized in learned journals and alliances such as One Health, EcoHealth and Planetary Health, and defined by various international declarations (Berlin Principles, UN definition).
If Potter were still with us today, he would, we think, have appreciated the increasingly boundary-crossing and interdisciplinary nature of veterinary sciences and practices, and might even have proposed it as a model for expanding the scope and practice of human medicine and public health.
Contemporary veterinary medicine now includes the study and care of companion, sports, zoo, and wildlife animals. The profession continues to be a driving force in agriculture and key to public health, including in the health prevention, early intervention and surveillance of pandemics and zoonotic diseases, as well as the management of food and other risks. And it is necessary for many efforts in wildlife conservation, monitoring and management. As such, veterinary medicine is both local and global in focus and practice.
As we have sought to illustrate by offering Potter’s (and Leopold’s) work as an example, for a field like veterinary medicine that is at the intersection of medicine and ecology, the problems it addresses involve scientific, political and ethical considerations for veterinarians, their clients and society. These micro, meso and macro-level considerations are, we suggest, best framed by a global bioethics rather than a (strict) professional ethics.
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La médecine vétérinaire est une pratique qui soulève de multiples défis éthiques, non seulement pour les professionnels vétérinaires, mais aussi pour leurs clients et plus largement pour la société. La nature multidimensionnelle de ces défis – qui se situent à une échelle micro, méso et macro – signifie que se concentrer sur l’éthique professionnelle (ex. : le code de déontologie) est insuffisant. La médecine vétérinaire a besoin, au contraire, d’une bioéthique globale.
Plus qu’une profession dédiée aux soins des animaux, la médecine vétérinaire s’efforce d’améliorer la santé et de maintenir une relation saine entre les humains et les animaux – le triangle patient-client-médecin. Mais cette tripartition complique nécessairement la prise de décision des vétérinaires. Le vétérinaire a un devoir envers l’animal et le traitement de sa maladie, mais il a aussi un devoir envers le propriétaire humain de l’animal, qui arrive généralement au cabinet en détresse devant la souffrance de son compagnon ou les pertes de son troupeau. Et cette détresse est souvent accentuée par les inévitables tensions financières qui découlent de l’exercice de la médecine privée.
En outre, le vétérinaire a des devoirs envers la société et, on l’oublie trop souvent, envers lui-même et envers son équipe. Ces différents devoirs convergent parfois, mais entrent souvent en conflit et nécessitent de longues réflexions menant à des décisions délicates, voire insoutenables. Ainsi, si la pratique s’accompagne de risques physiques évidents (morsures, ruades, etc.), les vétérinaires connaissent également une détresse psychologique (morale) – notamment en raison des euthanasies répétées dues aux contraintes économiques – qui peut conduire à la dépression, au syndrome de stress post-traumatique et à l’épuisement professionnel.
En plus de ces défis, le vétérinaire est souvent appelé à prendre des positions politiques et éthiques sur les droits et les valeurs des animaux (ex. : le débat sur les chiens dangereux) et celles-ci peuvent entrer en conflit avec d’autres membres de la profession (ex. : entre la pratique des animaux de compagnie et de production), avec les fournisseurs d’aliments ou de produits pharmaceutiques, ou avec les producteurs d’animaux destinés à l’alimentation. En tant que telle, la médecine vétérinaire est plus que le simple soin clinique des animaux ; elle est un élément moteur de la santé publique, de l’agriculture et de la conservation faunique.
Face à cette complexité évidente, nous suggérons qu’une éthique tout aussi complexe et nuancée est nécessaire pour la médecine vétérinaire. Et une approche prometteuse est celle proposée par Van Rensselaer Potter (1911-2001) sous le titre d’une Bioéthique globale. Biochimiste spécialisé en oncologie, Potter s’est intéressé à l’étroite relation entre la physiologie, la pharmacologie et l’écologie. Après avoir proposé le terme “bioéthique” dans la littérature nord-américaine en 1971, Potter s’est appuyé sur cette perspective médico-écologique pour ouvrir les relations entre science, éthique et politique. Pour ce faire, il a revisité l’œuvre d’Aldo Leopold (1887-1948), l’ancêtre de l’éthique de l’environnement contemporaine qui a radicalement transformé le champ de l’écologie, les études environnementales et la pratique forestière.
Contrairement à l’éthique biomédicale dominante centrée sur les êtres humains, la bioéthique globale de Potter, d’inspiration léopoldienne, opère à l’intersection des dimensions humaine, animale et environnementale. Il est intéressant de noter que Potter avait proposé, dans les années 1960, une genre d’éthique “Une seule santé” bien avant que cette approche ne soit popularisée en médecine vétérinaire (1980-1990), ou qu’elle ne soit plus récemment opérationnalisée dans des revues savantes et des alliances telles que One Health, EcoHealth et Planetary Health, et définie par diverses déclarations internationales (Principes de Berlin, définition de l’ONU).
Si Potter était encore des nôtres aujourd’hui, nous pensons qu’il aurait apprécié la nature de plus en plus transfrontalière et interdisciplinaire des sciences et des pratiques vétérinaires et qu’il l’aurait même proposée comme modèle pour élargir le champ d’application et la pratique de la médecine humaine et de la santé publique.
La médecine vétérinaire contemporaine comprend désormais l’étude et le soin des animaux de compagnie, de sport, de zoo et sauvages. La profession demeure un élément moteur de l’agriculture et vital à la santé publique, notamment pour la prévention en santé, l’intervention précoce et la surveillance des pandémies et des zoonoses, ainsi que pour la gestion des risques, entre autres, alimentaires. Elle est également nécessaire aux efforts de conservation, de suivi et de gestion de la faune. Ainsi, la médecine vétérinaire est à la fois locale et globale dans ses objectifs et ses pratiques.
Comme nous avons cherché à l’illustrer en donnant l’exemple des travaux de Potter (et de Leopold), pour un domaine comme la médecine vétérinaire qui se situe à l’intersection de la médecine et de l’écologie, les problèmes qu’elle aborde impliquent des considérations scientifiques, politiques et éthiques pour les vétérinaires, leurs clients et la société. Ces considérations aux échelles micro, méso et macro seraient, selon nous, mieux encadrées par une bioéthique globale qu’une éthique professionnelle (au sens stricte).